Portraits en Sépia
Le crâne avec le temps s'est flanqué de nuages ;
Ce sont ceux de Baudelaire qui reviennent de voyage ;
Ce sont ceux que parfois on voit au d'sus d'la mer ;
Quand la mer est ridée ; qu'ell' ressemble au désert.
Des yeux de chimpanzé accrochés par erreur ;
Qui se r'trouv'raient marron dans les cages du malheur ;
Avec de la tendresse à crever la rétine ;
Avec tout' la colère d'une tempête marine.
Le sourire d'un enfant qu'aurait d'ja fait ses dents ;
Avec l'espièglerie, juste sur le devant ;
Avec au bord des lèvres le souvenir d'une femme ;
Avec une gueulante à relents d'Amsterdam.
Des mains d'amant posées sur les yeux de la nuit ;
Font des éclipses étranges à ses yeux éblouis ;
Ses bras sont des remparts criblés de meurtrières ;
A donner des pavés, à lancer des baisers.
La poitrine bombée comm' la proue des navires ;
Prête à lancer des symphonies quand ça chavire ;
A piétiner de rage le crachat d'un juron ;
Et même, à se blottir, contre une fille, à deux ronds.
Léo Ferré